Collectif Haïtien de Provence a fait mention de cette année comme celle du centenaire de la naissance de Jacques Roumain, et rappelle aux haïtiens qu’il leur incombe la tache de ne pas laisser passer cette année inaperçue, et de se pencher sur l’oeuvre de ce grand homme pour découvrir les leçons qui leur permettront de sortir de l’impasse.
En effet, même si le communisme n’est plus—seul son ombre subsiste dans quelque coin du monde—en Haïti, il faudra autant de gouverneurs de la rosée que d’haïtiens pour qu’un changement se tienne. Des gouverneurs de la rosée qui ne viendront pas de l’extérieur comme un messie omniscient pour trouver des solutions aux problèmes nous asphyxiant, mais des gouverneurs de la rosée internes, cherchant en eux-mêmes ce qui cloche, après plus de deux cents ans « d’indépendance » politique, nonobstant de sérieuses dépendances sociale, économique, et humaine. Il nous faut donc une nouvelle lecture du chef d’œuvre de J. Roumain. Un néo-indigénisme libérateur.
Le roman révolutionne la littérature haïtienne en se plaçant dans l’arrière-pays, en campant les paysans—jusqu’alors tenus en marge des œuvres littéraires haïtiennes—face à des problèmes réels tels, la misère, les comportements arbitraires et ubuesques des chefs de section, les contraintes de productions agricoles dont l’eau—à la fois symbole de la vie et facteur essentiel à toute activité productrice—, le vaudou dans l’ombre du christianisme, et le fatalisme aliénateur. Il prône des idées émancipatrices que l’homme doit prendre en main le contrôle de son destin, et que c’est dans l’unité et l’amour pour soi-même, les autres, la nature, l’air qu’on respire qu’est le salut. Quoique véhiculant des idées marxistes, Manuel a beaucoup en commun avec le Christ. C’est une œuvre tributaire de son milieu socio-politique et des aléas de la vie paysanne. Pourtant aujourd’hui le message est plus que jamais vivant. Les mêmes dissensions perdurent entre noirs et mulâtres, urbain et rural, riches et pauvres, cultivés et illettrés...aggravées par l’insécurité, l’abandon de toute production agricole, la dollarisation sous-jacente, l’exode national….
Aujourd’hui, si Manuel revenait redécouvrir son terroir, il en aurait des larmes aux yeux. L’eau ne serait pas le seul bien rare et vital qu’il lui faudrait trouver, capter, et distribuer aux moyens d’union et de solidarité. Il lui faudrait d’abord trouver des gens disposés à écouter son message, des oreilles bienveillantes ayant l’envie de donner suite à ses discours…Quand les campagnes sont vidées de leur contenu, que les mornes s’écorchent, que l’homme aux abois prend la fuite ; qu’est-ce qui reste ? Un coin de terre carnivore, qui tue ses fils et ses filles, qui chasse ses hommes et femmes, que la corruption ronge, et sur lequel les Gervilien et Hilarion en nous tous empiètent de façon suicidaire.
« Il n’est jamais trop tard pour bien faire », dit-on souvent. Trois années après la célébration du bicentenaire de notre indépendance, si le ras-le-bol inspiré par la dégradation du climat politico-économqque haïtien nous invite à répéter comme la mère de Manuel « Nous mourrons tous », une relecture de Jacques Roumain est peut-être le signal d’alarme que nous attendons pour faire vivre nos idéaux de justice, d’égalité et d’union.
A lire
http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=38761&PubDate=2007-01-11
http://www.ciao.fr/Gouverneurs_de_la_rosee_Jacques_ROUMAIN__Avis_788509
http://jacbayle.club.fr/livres/Nouveau/n_2/Roumain_5.html
http://jacbayle.club.fr/livres/Nouveau/Roumain.html
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