Tuesday, January 16, 2007

Un an pile

Il y a exactement un an, j’ai atterri ici, avec ma famille, mes idées préconçues sur l’orient, mes stéréotypes arrêtés de tiers-mondiste, mes attentes teintées de scepticisme…un peu de tout, un peu de rien….sur le seuil d’un monde que je n’avais côtoyé que dans mes livres d’histoire et les contes de mille et une nuits. Je venais d’une autre planète dont personne n’avait jamais entendu parler, malgré l’épopée de mille huit cent quatre, la cérémonie du bois-caiman, et le refus de l’esclavage. Je ne cessais de répéter à qui voulait l’entendre que j’étais ici pour deux ans, et que je prierai pour que le temps passe vite, et qu’au bout du voyage, je sois rendue à mon univers familier.

L’Inde m’apparut comme un immense chantier où les vestiges du passé annihilent les semences du présent et où la croissance tant vantée par les medias mettrait beaucoup de temps à apporter des fruits. Partout où je posai les yeux, je butai sur un vacarme impressionnant de couleurs vives, la foule, les klaxons de voiture, les vaches et les éléphants. Puis le temps se mit à couler, et avec lui, mes peurs fondirent comme un morceau de glaçon au contact du soleil. La gentillesse des uns, la convivialité des autres, les aventures de chaque jour, les méchancetés le plus souvent animées par l’ignorance…tout cela m’embrassa et me forgeât d’autres perspectives sur la vie, les hommes, le temps, les relations humaines…

Que de choses ont changé en un an. 365 jours. 525600 minutes loin de la course contre la montre, loin de consommation mania, loin des conditionnements qui nous paralysent…à renouer contact avec moi-même.

Un an ne suffit pas pour appréhender ce vaste pays aux traditions séculaires. Il faut toute une vie pour comprendre pourquoi les castes sont si importantes, pourquoi tant de hiérarchie, pourquoi tant de différences entre ceux qui viennent de Punjab, ceux qui viennent de Kerala et ceux de Rajasthan,…pourquoi tant de gens se suicident et que cela est reporté dans les faits divers de Times of India…pourquoi de si importants extrêmes cohabitent…pourquoi la superstition. La nounou de ma fille est convaincue qu’elle mourra dans huit ans, parce qu’un chiromancien après lui avoir lu les lignes de la main a prédit qu’elle n’en avait que pour huit ans…C’est un mauvais signe d’acheter quelque de valeur un dimanche…pourquoi tant de pudeur…

Je suis entrée dans ce prêt-à-porter où je voulais acheter des blouses pour apporter à des amis, et ce vendeur me regarda et me dit, alors que tout le monde librement touchait aux vêtements, que je ne pouvais pas y toucher ; moi qui pensais qu’il plaisantait et qui insistais, me suis faite engueuler par l’imbécile. Je suis sortie et je passai un mauvais quart d’heure à essayer de comprendre pourquoi. Tard dans l’après-midi je suis retournée et j’ai rapporté l’incident au superviseur, un autre con borné et stupide….puis j’ai décidé que j’avais mieux à faire que de laisser deux ignorants tacher mon enthousiasme de leurs limites pathétiques.

Je suis allée a Monsoon Palace, Udaipur, et ce gardien me regarda et me demanda « Why is your hair like this ? » je l’ai regardé sans comprendre, puis je me suis rendue compte que j’étais peut-être la première noiraude au cheveux crépus et naturel qu’il eut jamais vue et je lui ai répondu en souriant « for the same reason yours is the way it is. »

Ce sont deux d’une pléiade d’expériences qui ont jalonné ma première année en Inde. Les unes m’ont attristé, les autres m’ont arraché un sourire…Puis tu rencontres des gens dont la gentillesse te désarme ; des gens qui laissent leurs familles un dimanche pour venir te donner un coup de main ; des gens qui mettent leurs plus beaux habits, sortent leur plus belle nappe, et versent le vin parce qu’ils t’ont invité à dîner, et que tu leur fais l’honneur d’être présent.

Alors que la deuxième année s’esquisse déjà à l’horizon, et que mon cœur s’ouvre à tous les espoirs, je ne puis que murmurer, tout doucement, « Incredible India, Incredible India ».

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